14 juin À 20H précise
Mairie du 2e arrondissement
2 créations sonores autour du thèmes des « Migrants »
PROGRAMME
– Frédéric Mathevet Baras [2016] 31’27
– Charles Platel Migration [2015] 30’00
avec des projection d’œuvres de Srecko Boban
interprète sur acousmonium : Jonathan Prager
Entrée libre
Mairie du 2e arrondissement 8 rue de la banque
Fréséric Mathevet Baras [2016] 31’26
1. BARAS (Février 2013) 07’15
2. EMERSON (28 octobre 2013) 07’24
3. NATIXIS (10 août 2013) 09’16
4. WILSON (4 août 2015) 00’25
5. ALAZARD 07’17
« Nous sommes des migrants originaires de l’Afrique de l’Ouest et centrale et, pour la plupart, nous vivions en Libye depuis de nombreuses années… puis la guerre nous a forcé à partir. Aujourd’hui, nous sommes en France pour travailler et nous demandons au préfet de nous régulariser au plus vite ! Les critères imposés par la loi sont beaucoup trop restrictifs sur la régularisation par le travail. Pourtant la plupart des membres du collectif peuvent attester d’une promesse d’embauche et, même souvent, du soutien d’un employeur. Nettoyage, bâtiment, gardiennage, restauration… tous ces secteurs nous exploitent, car nous n’avons actuellement pas de statut. Pour mettre fin à cela, il faut obtenir la régularisation de tous les sans-papiers ! Le Collectif Baras, mot qui signifie “travailleurs” en bambara, est tout autant déterminé à obtenir un toit pour l’ensemble de ses membres. Un squat comme le nôtre n’est pas une solution idéale, c’est une solution par défaut, pour répondre à l’urgence de la situation ! Nous demandons aux autorités de ne pas nous expulser de notre lieu de vie situé au 72 rue René Alazard à Bagnolet – ni celui de nos camarades qui ont obtenu un hébergement provisoire dans des foyers Adoma. Nous avons essayé de trouver d’autres logements, en faisant des demandes officielles qui n’ont rien donné, et en occupant des bâtiments vides, mais à chaque fois, la préfecture nous en a expulsés. » (collectif Baras)
En se basant sur l’histoire du collectif Baras, et après les avoir suivi lors de la manifestation du 13 février, dans un parcours où ces derniers se sont arrêtés, symboliquement, devant tous les endroits dont ils ont été expulsés, Frédéric Mathevet découpé les 20 minutes de sa pièce sonore en fonction du temps passé par les Baras dans les différents squats occupés.
« Les 1 077 120 minutes (de la naissance du collectif à la fête de soutient prévue le 18 mars 2016) ont été ainsi rabattues sur 20 minutes, et tous les événements importants de l’histoire des Baras, les différents procès, les expulsions musclées, mais aussi les fêtes de soutien et les manifestations, ont pu trouver une place et une durée (au pro-rata) dans chacune des 5 parties. Conséquemment, chaque partie porte les noms des lieux du squat et sa durée correspond au temps d’occupation du collectif jusqu’à son expulsion. Chaque événement sonore à l’intérieur de ces durées, chaque variation, correspond à un événement de la vie du collectif.
J’ai donc transformé la narration plus ou moins précise du collectif en surface d’inscription temporelle avec des moments de montage précis. Or, se posaient deux problèmes qui, me semble-t-il, sont complémentaires : où poser son micro quand on suit un tel événement, et comment penser les moments de rupture du montage ?
La réponse à ces deux questions se trouve dans la notion de hors-champs. Enfin de “hors-son” dans le cas d’une pièce sonore. Et le montage sonore n’est pas le montage cinématographique, de la même manière que l’écran du cinéma n’est pas l’espace de projection sonore “immersif” (c’est un mot à la mode qui témoigne à quel point les artistes sonores sont dans le déni des problématiques propres de leur discipline) qui spatialise, au minimum sur un dispositif stéréophonique.
C’est François Laplantine qui m’a aidé à résoudre ce double problème. Je découvre François Laplantine (De tout petits liens, Mille et une nuit), et constate que les liens métis qu’il décrit sont très proches de la bande dessinée et de sa gouttière (l’espace blanc entre les vignettes) qui hante mon travail plastique et sonore.
“Les petits liens métis […] ne se forment pas par simple contiguïté qui ferait simplement coexister ce qui est attenant ou adjacent. On ne parlera dans ce dernier cas que de ‘bon voisinage’. Un quartier dans lequel un groupe étranger peut laisser les uns parfaitement indifférents aux autres […]. Les liens qui nous intéressent ne sont pas des liens de juxtaposition ni même de superposition, c’est-à-dire de simultanéité, mais de successivité.” (p. 199)
Ces liens métis sont affaire de rythme et de formes en mouvement, ce sont des liens plastiques (plastikos) de jonction de flux. Des lieux de métamorphose qui forcent à une auscultation des “cadences des petites flexions”.
Où placer son micro pour saisir ce flux, pour l’attraper, le laisser filer et lui donner d’autres lignes de fuite ? “Entre le trop loin (l’indifférence) et le trop près (l’identification).” (p.45)
Ne pas réduire l’enregistrement au champ du micro (si on peut dire), ce qui reviendrait à faire un reportage sur cet événement précis (“La manifestation du 13 février 2016”) et qui aurait alors fonctionné comme un “cache”. C’est-à-dire, que l’événement aurait caché l’ensemble du hors-champ de cette manifestation : les questions réelles que nous devons nous poser quant aux vieilles notions de frontières et de territoires. Notamment quand ces mêmes notions n’existent plus quand il s’agit de commerce et main-d’œuvre bon marché : les questions relevant des enjeux géopolitiques unilatéraux qui nourrissent des conflits locaux et imposent des migrations. » (Frédéric Mathevet)
Frédéric Mathevet se définit comme plasticien et artiste sonore. Il est chercheur associé à l’institut ACTE (UMR 8218) à Paris I (CNRS). Docteur es arts et agrégé d’arts plastiques, il est co-rédacteur en chef de la revue en ligne L’Autre Musique.
Charles Platel Migration [2015] 30’00
Migration constitue la composante sonore d’une synergie peinture/musique de Charles-Edouard Platel avec l’artiste Srecko Boban, dans une installation faisant interagir peintures, sculptures et musique électroacoustique. Le musicien s’est inspiré de la peinture et le peintre s’est inspiré de la musique. Montrée à Chevreuse en octobre 2015, l’oeuvre a participé depuis à quelques expos reliées à la présence des migrants.
Lorsque l’on parle des ”migrants”, on pourrait tout aussi bien dire ”inconnus”, on ne sait pas qui ils sont vraiment.
En juillet 2015, Srecko Boban décide d’aller à leur rencontre à Calais.
Il a écouté leurs histoires, souvent tragiques, toujours émouvantes, ils n’avaient d’autre choix que de partir.
Il leur a expliqué sa démarche d’artiste. Il souhaitait lever l’anonymat et ils ont accepté de dessiner et peindre sur de grands formats en papier des œuvres très explicites. Plutôt que de prendre une photographie, il a saisi l’empreinte du vivant avec de la bande plâtrée et mis un nom sur chaque moulage. Il leur a promis de montrer leurs travaux dans son exposition.
Le coté dramatique étant largement exploité par les médias, nous avons préféré traiter de manière plus optimiste ce passage entre leurs anciennes vies et celles dont ils rêvent. Une sorte de mue où ils quitteraient leurs anciennes peaux pour renaître et tout recommencer à zéro.
Les bustes prennent tout d’un coup des allures de héros, combattants, guerriers, vainqueurs.
D’une certaine manière, ne le sont-ils pas ?
Les phases hasardeuses de ces long parcours, avec leurs échecs, recommencements et réussites, peuvent aussi nous concerner ou concerner tout individu en évolution ou questionnement, à la mesure de chaque cheminement personnel. Elles sont évoquées dans les cinq parties de la suite musicale:
Exode (6’24)
A fond de cale (6’47)
Etrangers (5’02)
Batailler (6’18)
Nostalgie (4’54)
Charles-Edouard Platel
Compositeur français indépendant, né à Calais en 1946, a produit une trentaine d’oeuvres, 5 albums CD et un ouvrage « Musique imaginaire ». Il crée pour le concert acousmatique et pour des installations d’artistes plasticiens, en synergie avec leur art.
Site web: www.imagimuse.net
Srecko Boban
Peintre Croate, né le 03-02-64 à Mostar (Bosnie), est arrivé en France en 1970, son travail est surtout basé sur l’improvisation, le ressenti au moment de peindre. Plusieurs fois primé au salon des artistes français au Grand Palais, il réalise aussi des performances avec des musiciens et anime des ateliers créatifs pour des publics jeunes et des handicapés.